Protection des consommateurs à l'ère de la mondialisation : le moment d'adopter une approche globale de la sécurité des produits ?
En anticipation d'une nouvelle enquête sur la sécurité des produits qui débutera la semaine prochaine, le directeur général de Consumers International examine certains des défis que devront affronter ceux qui souhaitent assurer la sécurité des consommateurs dans un monde globalisé.
La sécurité des produits est une chose à laquelle on accorde souvent peu d'importance ou peu d'appréciation, du moins jusqu'à ce qu'on réalise qu'elle est indispensable. Les gros titres traitant de l'explosion de smartphones ou de la défaillance de produits électroménagers sont courants dans le monde entier, et parfois avec des conséquences mortelles. Compte tenu que les cadres de sécurité des produits existants craquent sous la pression de la mondialisation et la numérisation, sommes-nous sur le point d'observer de plus en plus d'accidents faire les gros titres ?
La sécurité des produits que nous achetons est fondamentale pour tous les consommateurs, mais nécessite une législation, une réglementation et une mise en œuvre efficace pour être assurée. Pourtant, bien que le droit d'accès à des produits sûrs est reconnu à l'international et incorporé à la plupart des cadres juridiques, ce en quoi ces cadres consistent peut varier selon les régions et les pays.
Ces différences suggèrent que ce sont les gouvernements nationaux qui prennent généralement l'initiative de protéger leurs propres citoyens. Mais que se passe-t-il lorsque les consommateurs ne vivent pas dans le pays de fabrication des produits qu'ils achètent ? Ou que les produits sont eux-mêmes composés d'éléments conçus ou assemblés ailleurs ? Quels sont les cadres de sécurité des produits qui s'appliquent et comment les consommateurs peuvent-ils demander réparation si un problème survient ?
Des produits dangereux dans un monde globalisé
Les défis nés de la chaîne d'approvisionnement mondiale sont de plus en plus visibles des consommateurs et des gouvernements. La question toujours plus épineuse de la fabrication des automobiles illustre parfaitement ce phénomène, la plupart des modèles étant constitués de pièces provenant du monde entier avant même d'être assemblés. Lorsqu'un problème survient, les conséquences peuvent s'étendre dans toutes les directions. Et c'est justement ce qui s'est produit plus tôt cette année, lorsqu'il a été révélé que de l'acier de Kobe au Japon, non testé ou ne répondant pas aux exigences, aurait vraisemblablement été utilisé par pas moins de 500 entreprises dans le monde entier, y compris par de grands groupes automobiles tels que Toyota et General Motors. Un rapport interne de Kobe Steel dénonce une culture privilégiant les profits à court terme au détriment des normes de sécurité, un rapport externe sur le scandale devant également être présenté fin décembre.
La situation est même aggravée par les disparités existantes entre les pays en matière de normes de sécurité des produits. La Nissan Tsuru est par exemple responsable de la mort de plus de 4 000 personnes au Mexique entre 2007 et 2012 et les organismes Global NCAP et Latin NCAP ne lui ont attribué aucune étoile lors de leurs tests de sécurité — un test de collision entre la Nissan la plus abordable sur le marché des États-Unis et une Tsuru démontre pourquoi. À la suite d'une solide campagne menée par les associations de consommateurs et le Latin NCAP, Nissan a accepté de stopper la production de la Tsuru en mai 2017. Les écarts considérables entre les normes appliquées par un même constructeur sur différents marchés renforcent les arguments en faveur d'une approche globale de la sécurité des produits.
Le commerce en ligne est un autre exemple. Un achat en ligne sur sept impliquant une opération transfrontalière, la mise en œuvre de mécanismes communs tels que le rappel de produits génère de la confusion auprès de la plupart des législateurs. L'extrême complexité des opérations et achats internationaux augmente encore davantage si l'on inclut à l'équation la popularité de la revente indépendante de produits via des plates-formes comme eBay. Un rapport de l'OCDE indique que 68 % des produits inspectés par leur soins semblent être interdits et que les produits faisant l'objet d'un rappel sont disponibles à la vente en ligne.
Une réaction rapide quand les choses tournent mal
Quelles sont les mesures mises en œuvre pour résoudre ce problème ? Une des solutions courantes implique l'instauration d'un système d'alerte rapide pour les produits non alimentaires. L'Organisation des États américains a ainsi mis en place le système interaméricain d'alerte rapide (SIAR) en 2014, qui inclut la plupart des pays d'Amérique et des Caraïbes et plus de 980 millions de consommateurs. Le système de partage d'informations sur les incidents liés à la sécurité des produits (PSIIS), que supervise la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique, vise également à développer un portail Web de partage d'informations entre les pays de la région afin de faciliter le rappel de produits et l'harmonisation des normes.
De la même manière, l'UE dispose de ses propres systèmes d'alerte rapide tels que le RAPEX, qui permet à 31 pays européens d'échanger quotidiennement des informations sur les produits de consommation. Consciente des défis internationaux qu'implique la lutte contre les produits dangereux, la Commission européenne a recours à un processus qui permet d'informer les autorités chinoises lorsqu'une alerte RAPEX vise directement un produit d'origine chinoise.
Couvrant différentes régions, l'OCDE réunit des informations relatives aux rappels de produits dans le monde entier via son portail GlobalRecalls que les consommateurs peuvent consulter pour vérifier les alertes de sécurité qui concernent les produits qu'ils ont l'intention d'acheter, quel que soit leur lieu de production ou de vente. Fonctionnel depuis 2012, ce portail a déjà aidé de nombreuses entreprises et gouvernements à faire face aux difficultés du marché mondial et à protéger les consommateurs.
Sécurité des consommateurs dans un monde connecté
Même si ces systèmes d'alerte rapide à l'échelle régionale et internationale ont beaucoup contribué à la sécurité des consommateurs et permis de suivre le rythme de la mondialisation, la numérisation de la société et de l'économie continue de mettre à l'épreuve les systèmes de sécurité des produits existants. Les articles numériques entraînent une redéfinition de la sécurité des produits, la propagation des appareils connectés constituant l'un des nouveaux défis les plus urgents.
Un exemple révélateur est apparu plus tôt cette année, lorsqu'une poupée connectée non sécurisée a été interdite par le gouvernement allemand. Plutôt que d'utiliser les voies traditionnelles pour assurer la sécurité des produits, l'organisme de surveillance des télécommunications a dû recourir à une loi interdisant les appareils de surveillance déguisée. En classant la poupée dans la catégorie « dispositif d'espionnage illégal », leurs propriétaires ont été tenus de détruire eux-mêmes les poupées plutôt que de les retourner au fournisseur. Bien que ces mesures abordent certaines préoccupations importantes relatives à la protection des enfants, si les cadres de sécurité ne s'adaptent pas au caractère évolutif des produits, les consommateurs pourront une nouvelle fois être les grands perdants.
La nature d'interconnexion des produits de « l'Internet des objets » bouleverse la relation actuelle entre le fabricant et le consommateur. Le point de vente n'est plus un endroit permettant aux fabricants de décliner certaines de leurs responsabilités. Sans des mises à jour régulières et continues, les objets connectés peuvent rapidement devenir vulnérables aux intrusions de leur système ou à des défaillances. Cela se révèle particulièrement vrai pour les modèles plus anciens, qui ont plus de chance d'être revendus en ligne ou dans des pays à faible revenu, moins susceptibles de recevoir des mises à jour de la part des fournisseurs.
À l'avenir, les directives sur la sécurité des produits devront être révisées pour tenir compte de la technologie de « l'Internet des objets » et des produits connectés. La question des mises à jour étant débattue par les législateurs au niveau national et régional, c'est l'occasion idéale de repenser les accords relatifs à la responsabilité et aux systèmes de réparation en prenant en considération le monde du numérique. Le BEUC a décidé d'adopter cette approche, pressant l'UE d'adapter ses dispositions de responsabilité des produits en ayant à l'esprit les produits et services numériques.
La mondialisation et la numérisation démontrent toutes deux qu'assurer la protection des produits, et par extension des consommateurs, sur le marché moderne est un véritable défi. La nécessité d'établir des cadres de sécurité des produits plus larges, plus innovants et appliqués de façon cohérente est évidente, mais c'est aussi le cas de la coopération entre pays et secteurs si l'on souhaite que ce changement voie le jour. L'alternative est un marché qui, bien que plus connecté et plus diversifié, est au final moins sécurisé pour les consommateurs.