Blog invité – Le point de vue du consommateur sur les tests ADN commerciaux : préoccupations essentielles
Nos blogs font ressortir un éventail de questions touchant les consommateurs sous différents angles. Sauf indication contraire, ils ne représentent pas la position de Consumers International.
Vous êtes-vous déjà demandé si vous aviez un talent caché, un membre de la famille qui vous était inconnu ou même un risque accru de maladie ? Les tests génétiques proposés directement aux consommateurs (DTC tests en anglais) deviennent de plus en plus populaires dans le monde entier. Des millions de consommateurs ont déjà acheté une grande variété de tests pour trouver des réponses à ces questions. Malheureusement, il y a beaucoup d'incertitudes autour de ces tests DTC et de la confiance que les consommateurs devraient accorder à leurs résultats ou aux sociétés qui les proposent.
Plus de 26 millions de personnes dans le monde ont déposé leur salive dans un tube ou sur un écouvillon et l'ont envoyée à l'une des quatre plus grosses sociétés de tests DTC. Après analyse de leur ADN, on peut leur avoir annoncé qu'ils avaient des prédispositions génétiques pour le saut ou un risque accru de maladie d'Alzheimer.
Selon le test qu'on fait, les réactions face aux résultats peuvent varier grandement : de la joie et l'excitation à la peur et l'anxiété. Cependant, les sociétés de DTC sont libres d'envoyer ces résultats bouleversants aux degrés de justesse variables aux consommateurs qui – dans une large mesure – auront du mal à les interpréter précisément. De plus, les sociétés de DTC vendent souvent leurs banques de données génétiques, constituées des données génétiques des consommateurs à de tierces parties – un exemple significatif étant l'investissement de 300 millions de dollars de GlaxoSmithKline dans 23andMe en 2018. Les années précédant l'accord sus-mentionné, la société basée dans la Silicon Valley avait déjà vendu l'accès à sa banque de données génétiques à 13 autres compagnies pharmaceutiques. Les sociétés de DTC tirent profit des données sensibles des consommateurs, laissant ceux-ci les mains vides. Nul ne sait ce que ces tierces parties font avec les données génétiques ou avec qui celles-ci sont partagées. C'est un sujet de préoccupation.
La protection des consommateurs est en jeu
Un test de santé génétique peut dire si un individu est prédisposé génétiquement à développer un cancer. Étant donné que les tests sont loin d'être précis, les résultats peuvent cependant être trompeurs. Si une personne effectue un test pour savoir s'il est prédisposé à certains cancers et que celui-ci revient négatif, cela devrait être une bonne nouvelle. Mais ce que la personne ne sait pas cependant, c'est que le test n'examine que les mutations génétiques communes à l'intérieur de certains groupes ethniques. Dans le cas du cancer du sein, il y a beaucoup d'autres mutations génétiques qui peuvent augmenter le risque pour une femme de développer un cancer que le test en question ne va pas analyser – les conséquences étant que la personne va éprouver un sentiment de sécurité illusoire.
D'autres femmes peuvent s'entendre annoncer qu'elles ont un risque accru de développer à la fois un cancer des seins et des ovaires et décider de pratiquer une ablation chirurgicale de ces organes à haut risque ou d'autres parties du corps pour prévenir ces problèmes potentiels. Bien que drastiques, ces mesures peuvent sauver des vies. Mais si les résultats sont faux ? Une Britannique qui prévoyait de subir une mastectomie après avoir effectué un test génétique DTC a vu son opération annulée au dernier moment après qu'un laboratoire de la NHS a réanalysé l'ADN et montré que le premier test était en fait un faux positif. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres où les tests se sont avérés faux et ont conduit les consommateurs à vouloir subir – ou à subir effectivement – une opération chirurgicale basée sur des résultats erronés de tests génétiques.
Interprétations erronées
Quand le patient subit un examen génétique dans un service de santé qualifié, il est entouré de professionnels de la médecine. Si le test génétique montre un risque de maladie accru, le patient sera guidé par un personnel spécialisé en génétique et il recevra des conseils génétiques. On s'assurera que le patient comprend le résultat, et la gravité ou l'absence de gravité de la situation. Les circonstances sont totalement différentes quand on doit se connecter à son compte 23andMe et interpréter les résultats soi-même. Sans orientation ou expertise, la lecture de mots comme risque accru ou cancer peut être source de détresse. Un profane qui lit des résultats de nature négative chez lui sera très vraisemblablement incapable d'interpréter les résultats du test correctement. Cela peut entraîner de l'anxiété et des actes irrationnels, et montre combien les consommateurs peuvent devenir vulnérables quand ils affrontent les bouleversements potentiels entraînés par les résultats des tests.
Un problème mondial
Les sociétés de tests DTC ont accès à un marché énorme. D'après la page d'accueil de 23andMe, elles vendent leurs tests dans plus de 50 pays dans le monde. En tant que tels, les tests DTC ne sont pas un défi national, mais international. Des stratégies marketing agressives poussent les consommateurs à acheter des tests peu fiables et souvent non valides cliniquement, qui permettent aux sociétés de partager et de monétiser les données des consommateurs. En tant que tels, les tests DTC peuvent constituer un cycle trompeur dans lequel les consommateurs risquent de perdre beaucoup plus que leur argent.
Quelques pays européens, comme le Portugal et la France, ont mis en place des régulations limitant sévèrement l'accès aux tests de santé achetés auprès de fournisseurs privés. Les tests de santé génétique sont limités au secteur public de santé, où des tests standardisés de haute qualité peuvent être pratiqués. En Norvège, les tests DTC ne sont pas encore régulés, et alors que la législation récente a abordé la question, on a conclu que la régulation n'était pas nécessaire. Bien que la législation ait été mise en place dans les pays sus-mentionnés, il semble y avoir un manque d’application de la loi. Le règlement général sur la protection des données de l'UE (RGPD) et la directive IVD sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (qui n’est pas encore entrée en vigueur) devraient théoriquement rendre beaucoup plus difficile la vente de certains types de tests par l'industrie des DTC sur le marché européen. À l'heure actuelle, plusieurs de ces sociétés prétendent respecter les lois sur la protection des données, il semble cependant qu'elles ne se conforment peut-être pas aux règles en pratique.
Que ce soit via des organisations internationales ou la coopération inter-états, la régulation aura plus de vigueur et d'ascendant si elle est développée et réalisée à un niveau international. Une régulation couvrant plusieurs pays et nécessitant la coopération entre ceux-ci peut être compliquée mais elle ferait obstacle aux sociétés qui essaient d'enfreindre les droits des consommateurs en vendant des produits médiocres qui mettent en danger la santé et les données personnelles des consommateurs.